Laurence Kaufmann

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Axes de recherche

La communication

La communication est un moyen de construction du sens, de structuration des relations et d'établissement des identités. Elle reconduit et renouvelle sans cesse les statuts institutionnels et les normes culturelles qui font souvent l'objet d'une investigation sociologique parallèle. La théorie des actes de langage, les approches de l'argumentation, et les modèles dialogiques permettent d'éviter ce genre de bifurcation disciplinaire : elles proposent des outils précieux pour saisir le mode d'opérativité de la communication, notamment médiatique, et analyser les procédures qui permettent aux êtres sociaux de "faire" des choses avec des mots Les dispositifs de reconnaissance et de construction qui travaillent au maintien des «entités» sociales (nation, opinion publique) et des acteurs collectifs (antimondialistes, ouvriers, sans-papiers, etc.) sont en effet «contaminés» par le langage. Ce sont les modalités de cette contamination qui sont fondamentales car elles permettent de distinguer les «objets» sociaux, dont la validité s'étend à l'ensemble d'une communauté de pratique et de langage (Vierge, opinion publique), et les êtres fictionnels dont la validité se restreint à un contexte étroit et isolé du monde «réel» (Frankenstein, Sherlock Holmes)

L'ontologie des faits sociaux

Etant donné les multiples cadres théoriques qui se réclament, en sociologie, du constructivisme tout en refusant de justifier leurs postulats respectifs, il semble nécessaire de clarifier, notamment grâce aux travaux analytiques menés en philosophie, les propriétés ontologiques des «objets» sociaux et culturels. A l'encontre, entre autres, de l'ontologie subjectiviste du monde social que propose John Searle, je suggère que les faits sociaux répondent à une ontologie qui se décline à la première personne du pluriel. Contrairement à l'ontologie à la première personne des phénomènes subjectifs et l'ontologie à la troisième personne des faits physiques, l'ontologie en Nous des phénomènes sociaux n'a pas de pouvoir causal Les faits sociaux exercent une force normative qui ne peut être transformée en force physique sans supprimer l'autorité de la première personne et transformer les «actions» en «événements». Reste alors à saisir quel est le mode de contrainte qu'exercent les faits sociaux et de quelle manière ils précèdent et donnent sens aux libertés et aux actions des Je individuels

L'opinion publique

Mon travail de recherche sur l'opinion publique a consisté à approfondir les différentes facettes, trop souvent confondues, qui rendent ce phénomène particulièrement complexe. L'opinion publique est en effet un concept descriptif, puisqu'il renvoie à la communication et à la confrontation critique des opinions, dont les lieux de production et les moyens d'expression sont beaucoup plus hétérogènes que le recours à la métaphore du tribunal de l'opinion publique ne prête à penser. En revanche, en tant que concept idéologique, l'opinion publique se décline au singulier : instance fantomatique dont la fonction est, au XVIIIe siècle, essentiellement polémique et négative, elle devient une instance légitimatrice avec sa consécration, au moment de la Révolution française, en tant que principe générique de gouvernement. L'opinion publique renvoie ainsi tour à tour à une fiction fédératrice et à une réalité sociale effective - «duplicité» qui fait partie intégrante de l'opinion publique et dont la sociologie historique, notamment, permet de retrouver la trace. Ce «détour» historique, en mettant en exergue les enjeux sociaux et politiques qui ont présidé à la consécration de l'opinion publique en tant qu'entité de référence, enrichit l'étude de l'opinion publique actuelle. Car cette dernière est toujours traversée par les tensions entre privé-public, peuple-public, individu-société, Je-Nous, quantitatif-qualitatif, qui ont marqué ses origines. Ces tensions, qui sont sans cesse reconfigurées en fonction de leurs usages médiatiques et politiques, sont essentielles pour la sociologie des médias et de l'opinion publique. Elles sont également essentielles pour toute analyse du politique, ici défini comme une entreprise de conversion des faits sociaux en «choses» publiques et des individus en acteur collectif

La cognition sociale

Bien que de nombreuses capacités sociales soient constamment présupposées, via le concept englobant de «socialisation», dans les théories sociologiques, elles sont peu investiguées en tant que telles. Pourtant, même si un grand nombre des compétences qui permettent aux agents sociaux d'ajuster leurs comportements aux situations sociales dans lesquelles ils se trouvent sont pré-réflexives, elles ne sont pas pour autant aveugles. Elles requièrent certaines facultés de discernement que la psychologie du développement peut aider à éclaircir. En effet, l'enfant fait progressivement sens du monde qui l'entoure et offre, à ce titre, un laboratoire inespéré à tous ceux qui s'intéressent à la formation et aux contenus des ressources de sens commun. De plus, le patient travail empirique auquel s'astreint le psychologue du développement permet de déchiffrer aussi bien le rythme avec lequel les compétences sociales se mettent en place que la nature des objets sociaux (hiérarchie, règles, relations, situations, etc.) sur lesquels elles se basent. C'est pourquoi je tente, en collaboration avec Dr. Fabrice Clément, philosophe et sociologue, de saisir la façon dont les enfants reconnaissent les informations qui sont socialement pertinentes ainsi que la manière dont ils construisent les règles à suivre et les comportements «normaux» qu'ils doivent adopter pour devenir des membres compétents de la communauté. Notre hypothèse est qu'il existe, aux côtés d'autres fonctions cognitives spécialisées dans le traitement d'informations spécifiques (entités physiques, psychologiques, biologiques ou même arithmétiques), des processus inférentiels qui ont été sélectionnés pour prendre en charge les traits essentiels des interactions sociales (rapports hiérarchiques, rôles, situations, règles, appartenance). L'étude de ces processus permet d'ouvrir la « boîte noire » dans laquelle les sciences sociales enferment habituellement les processus de socialisation

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